« Sondage A : 92 % de
Français s'estiment heureux. Sondage B : 2 millions d'analphabètes
en France. A mon avis, dans les 92 %, il y en a qui ne connaissent
pas leur malheur. » (Guy Bedos, Petites drôleries et autres
méchancetés sans importance)
« A la question : faites
vous encore confiance aux instituts de sondage ? 64% des Français
répondent non. Et 59% répondent oui. » (Philippe Geluck, Le
chat à Malibu)
« Les sondages ne votent
pas, ce sont les gens qui votent ! » (Hillary Clinton,
Campagne électorale 2000)
« On peut se demander si
le manque d'appétence des électeurs pour les urnes ne résulte pas
de la publication des sondages annonçant que les carottes sont
cuites plusieurs semaines avant qu'on passe à table. »
(Philippe Bouvard, Mille et une pensées, 2005)
Pour
comprendre les sondages, le mieux est d'interroger directement une
société spécialisée. Le document ci-dessous est extrait du site
de l'ipsos (consultable in extenso à l'adresse suivante :
http://www.ipsos.fr/faq).
1.
Comment choisit-on les personnes interrogées ?
En
théorie, les personnes interrogées pour un sondage devraient être
choisies au hasard. C’est ce qu’on appelle la méthode aléatoire
: on tire au sort un certain nombre de personnes qui constitueront
l’échantillon à interroger.
En
France, cette méthode n’est pratiquement pas appliquée. Les
instituts de sondage utilisent une autre technique, celle des '
quotas '. Il s’agit alors d’interroger un échantillon de
personnes qui ont les mêmes caractéristiques socio-démographiques
que l’ensemble de la population. Les critères utilisés pour ce
faire sont généralement le sexe, l’âge, la catégorie
socio-professionnelle, le type de commune, la région.
2.
Quels sont les avantages et inconvénients de la méthode des quotas
?
Par
rapport à la méthode aléatoire, celle des quotas a l’avantage
d’être plus rapide. Avec l’aléatoire, les sondés ne sont pas '
interchangeables '. Cela signifie que la personne tirée au sort doit
être recontactée autant de fois que nécessaire. Grâce aux quotas,
il est possible de remplacer un sondé par un autre qui a les mêmes
caractéristiques socio-démographiques. Cela permet de réaliser un
sondage dans des délais plus courts.
L’inconvénient
majeur de la méthode des quotas est de ne pas permettre de calculer
scientifiquement la marge d’erreur du sondage. Les lois
statistiques qui permettent de la déterminer ne valent théoriquement
que pour les sondages aléatoires. En pratique, on considère
cependant que la marge d’erreur des sondages par quotas est égale
ou inférieure à celle des sondages aléatoires.
3.
Les sondages par téléphone sont-ils fiables ?
Aujourd’hui,
la majorité des sondages sont, en France, réalisés par téléphone.
Cette technique s’est rapidement développée ces dernières années
au détriment du ' face à face ', c’est-à-dire de l’interrogation
des personnes à leur domicile. Les difficultés d’accès aux
habitations (digicodes, problèmes de sécurité) ont pesé sur cette
évolution.
Le
taux d’équipement téléphonique des foyers français est
désormais tel que la représentativité des échantillons peut être
assurée dans de bonnes conditions. L’avantage du sondage
téléphonique, par rapport au face à face, est d’abord d’être
plus rapide. Il permet aussi d’assurer une plus grande dispersion
géographique de l’échantillon. Il réduit enfin les risques de '
bidonnage ' des enquêteurs, le contrôle de leur travail pouvant
être effectué plus facilement.
Le
sondage téléphonique a cependant comme inconvénient de se prêter
difficilement aux enquêtes les plus complexes. Le questionnaire
soumis doit être plus simple dans la mesure où il est impossible de
soumettre aux sondés, par écrit, une liste d’arguments.
4.
Comment élabore-t-on un questionnaire d’enquête ?
L’élaboration
du questionnaire est une phase très importante du sondage. La
qualité du questionnaire conditionne largement la pertinence de
l’enquête. Or l’art de poser de bonnes questions, dans des
termes intelligibles au plus grand nombre, est difficile. Certains
sondages pêchent par une formulation trop complexe qui égare les
sondés. D’autres questionnaires peuvent être biaisés,
c’est-à-dire que la manière de poser la question influencera plus
ou moins fortement la réponse.
C’est
dire que la rédaction d’un bon questionnaire doit être l’affaire
de professionnels compétents. L’institut de sondages est
intellectuellement responsable des questions posées. Mais il lui
faut souvent résister à la pression de ses clients qui cherchent,
consciemment ou inconsciemment, à lui faire poser des questions
rédigées dans une forme favorable à leurs points de vue.
5.
Quelle est la marge d’erreur d’un sondage ?
En
théorie, on ne peut pas connaître scientifiquement la marge
d’erreur d’un sondage réalisé par quotas (voir question 2). En
pratique, on estime que cette marge est du même ordre que celle que
la loi de Gauss permet de calculer dans le cas des sondages
aléatoires.
La
marge d’erreur d’une enquête dépend d’abord du nombre de
personnes interrogées. Par exemple, elle est d’un maximum de plus
ou moins 3,2% pour 1000 sondés. Concrètement, cela signifie que si
50% d’un échantillon de 1000 personnes a répondu A à une
question, il y a 95% chances sur 100 pour que cette même réponse A
soit effectivement donnée dans l’ensemble de la population par un
pourcentage situé entre 46,8% et 53,2%. Le plus probable est
cependant que la réponse se situe très près de 50%.
Attention
: la marge d’erreur est la même quelle que soit la taille de la
population dont on recherche à connaître l’opinion. Autrement
dit, si l’on souhaite obtenir la même précision, il faut
interroger autant de personnes pour connaître l’opinion des
Français que celle des seuls Orléanais. La marge d’erreur ne
décroît pas proportionnellement au nombre de personnes interrogée
: elle est d’un maximum de plus ou moins 4,5% pour 500 enquêtés,
3,2% pour 1000, 2,2% pour 2000 mais encore 1,6% pour 4000.
La
marge d’erreur varie aussi en fonction de la répartition des
réponses. Ainsi, pour 1000 personnes interrogées, elle sera de plus
ou moins 3,2% si la réponse obtenue est de 50% mais seulement de
plus ou moins 2,5% si elle est de 20 ou 80% et même de plus ou moins
0,9% si elle est de 2 ou 98%.
6.
Comment évite-t-on les enquêtes « bidonnées » ?
La
qualité du ' terrain ' est, après celle du questionnaire, la
deuxième condition d’une bonne enquête. On veut dire par là que
le sondage doit être administré dans de bonnes conditions : les
enquêteurs doivent respecter des règles précises et ne pas tricher
en remplissant les questionnaires obtenus.
Comment
éviter que des enquêteurs indélicats ne ' bidonnent ',
c’est-à-dire ne remplissent les questionnaires eux-mêmes sur un
coin de table de bistrot, ou attribuent aux personnes interrogées
des caractéristiques fausses par commodité ? Les instituts
répondent à cette préoccupation par des procédures de contrôle.
Il est très fréquemment demandé à la personne interrogée
d’indiquer son nom et son numéro de téléphone. L’institut peut
alors, de temps à autre, vérifier que cette personne a
effectivement été interrogée et que l’identité
socio-démographique indiquée dans la questionnaire est exacte.
Ce
contrôle est rendu plus aisé en cas de sondage par téléphone. Il
suffit alors qu’un responsable procède à des écoutes tournantes
des enquêteurs qui travaillent à partir d’un standard
téléphonique.
7.
Pourquoi les sondages préélectoraux sont-ils redressés ?
Si
les instituts de sondage publiaient les résultats bruts de leurs
enquêtes, en période préélectorale, ils se tromperaient
lourdement. Les intentions de vote recueillies présentent en effet
deux sortes de problèmes. Le premier vient de ce que tous les
électeurs ne sont pas également accessibles. Certains d’entre eux
refusent souvent de répondre aux enquêtes d’opinion, par crainte
ou par hostilité à l’égard de l’univers politique - c’est
aujourd’hui parfois le cas de l’électorat du Front national.
D’autres électeurs ont, à l’inverse, tendance à répondre plus
souvent que la moyenne aux sondages - par exemple, les personnes qui
ont un niveau d’études élevé. Ces différences de comportements
biaisent les résultats bruts de l’enquête : la gauche modérée
est ainsi généralement sur-représentée dans l’échantillon,
tandis que les extrêmes de l’échiquier politique sont
sous-représentés.
Deuxième
cause de « biais » : certains électeurs n’osent pas dire pour
qui ils ont l’intention de voter. Naguère, une partie de
l’électorat communiste indiquait faussement aux enquêteurs
qu’elle allait voter socialiste. Aujourd’hui, certains électeurs
du Front national prétendent qu’ils voteront UMP...
8.
Comment réalise-t-on les opérations estimations le soir des
élections ?
Dimanche
soir, 20H. Les derniers électeurs viennent à peine de déposer leur
bulletin de vote dans l’urne que les chaînes de télévision
annoncent les résultats du scrutin sous la forme d’estimations
particulièrement fiables. Soulignons qu’il ne s’agit pas ici de
sondages : les estimations sont basées, non sur des intentions de
vote, mais sur le décompte de bulletins effectivement dépouillés.
L’astuce
consiste à poster des enquêteurs dans toute une série de bureaux
de vote qui ferment dés 18H. Les résultats de ces bureaux sont
communiqués au plus vite à l’institut de sondage. Celui-ci aura
pris soin de sélectionner des bureaux suffisamment diversifiés
(politiquement, géographiquement et sociologiquement) pour que leur
résultat d’ensemble ait les meilleures chances d’être
représentatif du résultat national.
9.
Quel est le coût d’un sondage ?
Le
coût d’une question fermée dans un sondage réalisé auprès d’un
millier de personnes représentatives de la population française est
d'environ 1000€ HT. Le coût d’une enquête d’opinion sera
moins élevé si elle est réalisée en même temps que d’autres
enquêtes. C’est ce que l’on appelle les enquêtes ' omnibus '.
Les sondages réalisés pour la presse sont souvent vendus moins
chers que ceux qui n’ont pas vocation à être publiés. Le prix
des sondages pourra enfin être moins élevé si le client s’abonne
à toute une série d’enquêtes.
10.
Quel est l’intérêt des baromètres ?
Un
baromètre est un sondage dont les questions sont répétées, dans
les mêmes termes, à des intervalles de temps bien définis. Les
baromètres politique sont souvent mensuels, tandis que les
baromètres économiques peuvent être trimestriels. Le grand
avantage des baromètres est de permettre d’analyser les évolutions
de l’opinion.
11.
Pourquoi publie-t-on autant de sondages en France ?
La
France est sans doute le pays qui publie le plus de sondages au
monde. On compte, en moyenne, près de 500 enquêtes publiées par
an. Les sondages politiques sont particulièrement nombreux, même
par rapport à ce qui se passe aux Etats-Unis, le berceau des
sondages. Les médias français publient ainsi six baromètres
mensuels de popularité de l’exécutif !
Cette
abondance de sondages tient à plusieurs causes. La première est
sans doute la personnalisation de la vie politique française, qui
provient en grande partie de l’élection du président de la
République au suffrage universel, et qui incite à surveiller de
près les popularités des différents leaders. On peut encore
évoquer la symbiose entre le monde de la science politique et celui
des sondages. Ou encore l’appétit de la presse française pour les
enquêtes d’opinion.
12.
Les instituts réalisent-ils surtout des sondages politiques ?
Les
sondages politiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg
des études d’opinion. Ce sont les plus visibles, mais la grande
majorité des enquêtes réalisées par les instituts de sondage
relèvent du marketing et des études de marché. Au final, les
consommateurs sont beaucoup plus souvent sondés que les citoyens.
13.
Y a-t-il beaucoup de sondages confidentiels ?
Tous
les sondages politiques réalisés ne sont pas publiés. Un bon
nombre d’entre eux sont commandés par des partis, des dirigeants
ou des gouvernants qui gardent les résultats pour eux. Ces sondages
confidentiels visent fréquemment à éclairer la stratégie des
acteurs politiques. Ils peuvent avoir pour objet de tester les
réactions de l’opinion à une mesure envisagée par le pouvoir
pour lui permettre d’affiner son argumentaire. Les enquêtes
confidentielles ne sont pas toutes quantitatives. Bien au contraire,
le milieu politique est friand d’enquêtes ' qualitatives ' qui
l’aident à mieux sentir les nuances de l’opinion.
14.
Peut-on faire dire n’importe quoi aux sondages ?
Avec
une parfaite mauvaise foi, il est toujours possible de faire dire
n’importe quoi aux chiffres en général et aux sondages en
particulier. Un sondages réalisé dans des conditions fantaisistes
et basé sur un questionnaire biaisé a toutes les chances d’aboutir
à des résultats peu significatifs.
Mais
ceci ne signifie pas que les sondés répondent n’importe quoi. Au
contraire, il est frappant de constater que les contradictions
apparentes que l’on peut relever à la lecture d’une enquête
correspondent la plupart du temps à de réelles ambivalences de
l’opinion. Un sondage intellectuellement honnête ne craindra pas
de faire apparaître ces différentes facettes d’une opinion
publique qui pense souvent à la fois ceci et cela.
15.
Les sondages influencent-ils les électeurs ?
Traditionnellement,
les politologues répondent non à cette question. Ils expliquent
doctement que l’influence des sondages sur le comportement
électoral est indémontrable. Ils ajoutent que les effets possibles
doivent logiquement se compenser : certains électeurs seraient
tentés de voler au secours de la victoire, tandis que d’autres
seraient incités à voter pour le camp donné perdant par les
enquêtes d’opinion.
En
réalité, et au fur et à mesure que les sondages rythment les
campagnes électorales, cette influence est devenue difficile à
nier. Les médias se font largement écho de cette information. Il
est normal que l’électorat intègre cette dernière dans ses
calculs. Ce faisant, les citoyens se déterminent en sachant, plus ou
moins précisément, quels sont les rapports de forces du moment. Ce
vote informé n’est nullement condamnable, à moins de plaider pour
une conception quelque peu obscurantiste de la démocratie.
16.
Quand les sondages ont-ils été créés ?
Les
sondages sont apparus aux Etats-Unis pendant la période de l’entre
-deux - guerre. C’est en 1935 que George Gallup a créé l’institut
de sondage qui porte son nom. L’élection présidentielle
américaine de 1936 apporta une démonstration éclatante de la
validité des sondages préélectoraux. Le sociologue Jean Stoetzel,
très impressionné par ces résultats, introduisit les sondages en
France dés 1938 en fondant l’IFOP (Institut français de l’opinion
publique). Le premier sondage politique publié en France porta sur
les accords de Munich : 57% des personnes interrogées les
approuvaient. Mais les parlementaires se montrèrent encore plus
optimistes : 88% des parlementaires votèrent ces accords...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire