La règle des 500 signatures
et les critiques à son encontre sont à nouveau sous les
projecteurs, à cinq mois du premier tour de la présidentielle...
Comme à chaque veille
d’élection présidentielle, les critiques se multiplient sur le
système de parrainage empêchant les petits candidats de se
présenter facilement devant les électeurs. 20 Minutes fait le point
sur la règle des 500 candidatures et sur ce qui lui est reproché.
Quelle est la règle?
Un candidat à l’élection
présidentielle doit réunir au moins 500 signatures d’élus
provenant d’au moins trente départements français différents. Ce
système a été instauré au début des années 60, pour éviter la
présentation devant les électeurs de candidats et de partis
farfelus. A l’origine, le nombre de parrainages à recueillir était
de 100. Il est passé à 500 dans les années 70 pour renforcer
l’esprit du système: si les maires ne veulent pas d’un candidat,
c’est qu’il n’est pas légitime.
Qui peut parrainer un
candidat?
On parle souvent de parrainage
des maires, mais d’autres élus peuvent donner leur signature aux
candidats. Parmi eux, on trouve les députés et les sénateurs, les
présidents de communautés de communes ou encore les conseillers
régionaux. Au total, environ 50.000 personnes peuvent
potentiellement offrir leur parrainage à une candidature, dont plus
de 36.000 maires. Chaque élu ne peut apporter sa signature qu’à
un candidat.
Les parrains sont-ils connus?
Oui et non. Un candidat doit
réunir 500 signatures pour se présenter à l’élection, mais il
en collecte en général davantage, en cas d’invalidation de
certains parrainages. Parmi toutes celles qu’il aura recueillies,
seules 500 seront dévoilées au public, même si le candidat en a
réuni 800. Les noms des élus signataires sont publiés dans le
Journal officiel avant le premier tour de la présidentielle. En
2012, ce sera le 10 avril.
Combien de temps ont les
candidats pour recueillir les 500 signatures?
La fin du suspense aura lieu
le vendredi 16 mars 2012 à 18 heures. Le lundi d’après, la liste
définitive des candidats à l’élection présidentielle sera
publiée.
En quoi le système est-il
critiqué?
Il est d’abord dénoncé par
les petits candidats, qui voudraient une disparition de ce critère
de sélection, ou au moins une baisse du nombre de signatures à
recueillir. A chaque scrutin, plusieurs petits candidats échouent à
les réunir. D’autres y arrivent, mais l’effort consacré à
cette tâche retarde ou perturbe leur campagne. Il est aussi parfois
critiqué par les maires, qui sont très sollicités pendant
plusieurs mois par toutes sortes de candidats. On se souvient de cet
élu qui, en 2007, lassé des appels constants des candidats pour
obtenir son parrainage, avait annoncé publiquement qu’il le
mettait en vente. Enfin, c’est le côté «public» des signatures
qui est critiqué, notamment par le Front national: les noms de 500
élus parrainant Marine Le Pen seront publiés par le Journal
officiel, ce qui gêne beaucoup d’entre eux, estimant qu’une
telle publicité peut leur nuire. La candidate du FN a d’ailleurs
réclamé au gouvernement mardi de rendre anonymes ces parrainages.
Nicolas Bégasse
Dans une tribune publiée dans
Le Monde le 26 janvier 2012, Pierre Sadran, professeur émérite à
Science Po Bordeaux, constate la faillite du système actuel des
parrainages et avance de nouvelles propositions.
Définir une règle du jeu
acceptable par tous les acteurs fait partie intégrante de l’éthique
de la démocratie comme de ses dispositifs pratiques. Or une
question, celle des modalités de présentation des candidatures à
l’élection présidentielle, les désormais fameuses cinq cents
signatures d’élus indispensables pour obtenir l’admission à
concourir, fait régulièrement surface dans le débat politique,
sans jamais trouver de solution satisfaisante, alors qu’il ne
serait pas très difficile de résoudre le problème à condition de
le poser dans les termes qui conviennent.
La question n’est jamais
dans le bon tempo ; on l’évoque à contretemps. Soit trop tard,
comme aujourd’hui, alors que la campagne est lancée : on ne change
pas les règles du jeu en cours de partie. Soit trop tôt, une fois
l’élection passée, parce que l’échéance suivante est trop
éloignée pour qu’on se saisisse d’un sujet considéré – à
tort – comme mineur. Il faut dire que l’enjeu n’intéresse
vraiment que les outsiders, pas les favoris. Un peu comme si
l’Argentine, ou les îles Tonga prétendaient infléchir l’ordre
du jour de l’International Rugby Board pour corriger une règle peu
avantageuse pour elles.
C’est ainsi que l’histoire
se répète à chaque élection présidentielle : ceux des candidats
potentiels qui ne disposent pas d’un réservoir d’élus locaux
dévoués à leur cause peinent à rassembler une liste de
présentateurs conforme aux exigences. Celles-ci sont à vrai dire
plus contraignantes qu’il n’y paraît, car si les 500 signatures
ne représentent qu’environ 1,2 % du « bassin » des quelques 42
000 élus concernés, encore faut-il qu’elles émanent de 30
départements (ou collectivités d’outre-mer) différents sans que
plus de 50 d’entre elles soient issues d’un même département.
On n’est donc pas surpris d’entendre Philippe Poutou (NPA) et
Marine Le Pen se plaindre de la difficulté à passer cet obstacle
tandis que Christine Boutin va jusqu’à menacer l’UMP d’une «
bombe atomique » – n’hésitant pas à donner cette portée
nucléaire à son éventuel ralliement à François Bayrou – si
celle-ci ne lui facilite pas la tâche.
Or, quels que soient les
sentiments qu’inspirent ces candidatures, il serait indécent que
notre démocratie représentative tolère un goulet d’étranglement
interdisant de vérifier par le vote que de tels courants restent
minoritaires. Tout ce qui contribue à figer pour longtemps l’offre
politique dans un oligopole trop étroit court le risque de
fragiliser les bases mêmes de la démocratie, comme le démontre
l’importance de l’abstention. Ce n’est pas parce que la famille
Le Pen a pris l’habitude de mettre en scène sa position de victime
potentielle du système que celui-ci doit être conservé, bien au
contraire ! D’autant qu’il donne lieu à toutes sortes de
manœuvres préliminaires sans parvenir à limiter efficacement la
dispersion des candidatures ; on se souvient qu’en 2002 il y en eut
16, et 12 en 2007.
Mais toute la difficulté est
de savoir comment réformer ce dispositif sans prendre un marteau
pilon pour écraser une mouche.
On ne peut évidemment pas se
passer d’un filtre visant à éliminer des candidatures dont le
seul véritable motif serait non pas de fournir une offre politique
aux Français, mais de se frayer, par pur opportunisme, un accès aux
facilités financières et surtout à l’extraordinaire plateau de
publicité gratuite offert par la campagne radiotélévisée. Toutes
les dérives seraient alors permises, et rien ne pourrait endiguer
une prolifération à tous égards dangereuse pour l’exercice de la
démocratie.
On ne peut pas davantage céder
à la suggestion de Mme Le Pen de revenir à la non publication des
noms des élus signataires. Ce serait encourager l’irresponsabilité
des élus, alors qu’en démocratie ils doivent assumer les
conséquences de leurs actes, et ce serait prêter le flanc aux
manœuvres souterraines des formations dominantes cherchant à
produire, en orientant habilement les présentations, la
configuration la plus favorable pour leur candidat.
On ne peut enfin suivre les
préconisations du comité Balladur qui, en 2007, avait proposé de
remplacer le système actuel par la sélection des candidats au sein
d’un collège de 100 000 élus environ, soumis à l’obligation de
voter à bulletin secret, pour désigner les candidats autorisés à
se présenter. Outre ses incertitudes (conditions de désignation des
membres de ce collège et surtout seuil de suffrages à partir duquel
un candidat serait ou non habilité), ce dispositif transformerait
profondément l’économie de l’élection présidentielle, en
instaurant une sorte d’élection à trois tours, le premier
restaurant le mécanisme des grands électeurs peu compatible avec
une élection au suffrage universel. Mais au surplus, ce « premier
tour », inéluctablement voué à une forte politisation, se
prêterait forcément aux manœuvres partisanes visant à éliminer
d’emblée les outsiders les plus menaçants pour chaque camp,
quitte à favoriser des candidatures de pure diversion.
Faut-il pour autant renoncer à
changer ? Non, car une réforme assez simple pourrait produire de
meilleurs résultats, à condition de concevoir le dispositif des
signatures non comme un parrainage, mais comme un filtre garantissant
le pluralisme de la démocratie. Il s’agirait, tout en gardant
l’exigence des 500 signatures et de leur répartition, ainsi que
leur publication par le Conseil constitutionnel, de substituer à la
règle selon laquelle un élu ne peut faire de présentation que pour
un seul candidat, une nouvelle disposition obligeant les élus
souhaitant participer à la présentation à signer pour six
candidats de leur choix. Leur signature ne serait alors plus perçue
comme un soutien politique accordé à tel ou tel, mais comme la
caution du pluralisme de l’élection et du sérieux des
candidatures.
Cette modification simple
aurait un double avantage. D’une part, elle lèverait les
réticences de nombreux élus à signer pour les candidats incarnant
des idées qu’ils ne partagent pas mais dont ils ne peuvent nier
l’importance, ou pour des candidats marginalisés par l’originalité
de leur programme ; elle contribuerait ainsi au renouvellement de la
scène et du débat. D’autre part elle permettrait de déjouer
efficacement manœuvres souterraines et stratégies machiavéliques.
Car, à vouloir concentrer exclusivement ses choix sur la droite, sur
la gauche ou sur le centre, un élu desservirait son camp en poussant
à sa division. Et, à adopter, plus cyniquement, la stratégie
inverse pour diviser le camp opposé, il prendrait le risque de se
discréditer aux yeux de son propre électorat.
Voilà donc, sur un point bien
particulier mais nullement négligeable, une réforme facile à
réaliser, ne pénalisant personne, et d’une parfaite innocuité
financière. On peut souhaiter un engagement ferme et clair des
principaux candidats pour modifier, dès le lendemain de leur
élection, les règles de présentation pour qu’à l’avenir cette
question ne vienne plus perturber le débat et le détourner pour un
temps des sujets essentiels.
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