jeudi 15 mars 2012

La règle (actuelle) des 500 signatures.


La règle des 500 signatures et les critiques à son encontre sont à nouveau sous les projecteurs, à cinq mois du premier tour de la présidentielle...
Comme à chaque veille d’élection présidentielle, les critiques se multiplient sur le système de parrainage empêchant les petits candidats de se présenter facilement devant les électeurs. 20 Minutes fait le point sur la règle des 500 candidatures et sur ce qui lui est reproché.
Quelle est la règle?
Un candidat à l’élection présidentielle doit réunir au moins 500 signatures d’élus provenant d’au moins trente départements français différents. Ce système a été instauré au début des années 60, pour éviter la présentation devant les électeurs de candidats et de partis farfelus. A l’origine, le nombre de parrainages à recueillir était de 100. Il est passé à 500 dans les années 70 pour renforcer l’esprit du système: si les maires ne veulent pas d’un candidat, c’est qu’il n’est pas légitime.
Qui peut parrainer un candidat?
On parle souvent de parrainage des maires, mais d’autres élus peuvent donner leur signature aux candidats. Parmi eux, on trouve les députés et les sénateurs, les présidents de communautés de communes ou encore les conseillers régionaux. Au total, environ 50.000 personnes peuvent potentiellement offrir leur parrainage à une candidature, dont plus de 36.000 maires. Chaque élu ne peut apporter sa signature qu’à un candidat.
Les parrains sont-ils connus?
Oui et non. Un candidat doit réunir 500 signatures pour se présenter à l’élection, mais il en collecte en général davantage, en cas d’invalidation de certains parrainages. Parmi toutes celles qu’il aura recueillies, seules 500 seront dévoilées au public, même si le candidat en a réuni 800. Les noms des élus signataires sont publiés dans le Journal officiel avant le premier tour de la présidentielle. En 2012, ce sera le 10 avril.
Combien de temps ont les candidats pour recueillir les 500 signatures?
La fin du suspense aura lieu le vendredi 16 mars 2012 à 18 heures. Le lundi d’après, la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle sera publiée.
En quoi le système est-il critiqué?
Il est d’abord dénoncé par les petits candidats, qui voudraient une disparition de ce critère de sélection, ou au moins une baisse du nombre de signatures à recueillir. A chaque scrutin, plusieurs petits candidats échouent à les réunir. D’autres y arrivent, mais l’effort consacré à cette tâche retarde ou perturbe leur campagne. Il est aussi parfois critiqué par les maires, qui sont très sollicités pendant plusieurs mois par toutes sortes de candidats. On se souvient de cet élu qui, en 2007, lassé des appels constants des candidats pour obtenir son parrainage, avait annoncé publiquement qu’il le mettait en vente. Enfin, c’est le côté «public» des signatures qui est critiqué, notamment par le Front national: les noms de 500 élus parrainant Marine Le Pen seront publiés par le Journal officiel, ce qui gêne beaucoup d’entre eux, estimant qu’une telle publicité peut leur nuire. La candidate du FN a d’ailleurs réclamé au gouvernement mardi de rendre anonymes ces parrainages.
Nicolas Bégasse
Dans une tribune publiée dans Le Monde le 26 janvier 2012, Pierre Sadran, professeur émérite à Science Po Bordeaux, constate la faillite du système actuel des parrainages et avance de nouvelles propositions.
Définir une règle du jeu acceptable par tous les acteurs fait partie intégrante de l’éthique de la démocratie comme de ses dispositifs pratiques. Or une question, celle des modalités de présentation des candidatures à l’élection présidentielle, les désormais fameuses cinq cents signatures d’élus indispensables pour obtenir l’admission à concourir, fait régulièrement surface dans le débat politique, sans jamais trouver de solution satisfaisante, alors qu’il ne serait pas très difficile de résoudre le problème à condition de le poser dans les termes qui conviennent.
La question n’est jamais dans le bon tempo ; on l’évoque à contretemps. Soit trop tard, comme aujourd’hui, alors que la campagne est lancée : on ne change pas les règles du jeu en cours de partie. Soit trop tôt, une fois l’élection passée, parce que l’échéance suivante est trop éloignée pour qu’on se saisisse d’un sujet considéré – à tort – comme mineur. Il faut dire que l’enjeu n’intéresse vraiment que les outsiders, pas les favoris. Un peu comme si l’Argentine, ou les îles Tonga prétendaient infléchir l’ordre du jour de l’International Rugby Board pour corriger une règle peu avantageuse pour elles.
C’est ainsi que l’histoire se répète à chaque élection présidentielle : ceux des candidats potentiels qui ne disposent pas d’un réservoir d’élus locaux dévoués à leur cause peinent à rassembler une liste de présentateurs conforme aux exigences. Celles-ci sont à vrai dire plus contraignantes qu’il n’y paraît, car si les 500 signatures ne représentent qu’environ 1,2 % du « bassin » des quelques 42 000 élus concernés, encore faut-il qu’elles émanent de 30 départements (ou collectivités d’outre-mer) différents sans que plus de 50 d’entre elles soient issues d’un même département. On n’est donc pas surpris d’entendre Philippe Poutou (NPA) et Marine Le Pen se plaindre de la difficulté à passer cet obstacle tandis que Christine Boutin va jusqu’à menacer l’UMP d’une « bombe atomique » – n’hésitant pas à donner cette portée nucléaire à son éventuel ralliement à François Bayrou – si celle-ci ne lui facilite pas la tâche.
Or, quels que soient les sentiments qu’inspirent ces candidatures, il serait indécent que notre démocratie représentative tolère un goulet d’étranglement interdisant de vérifier par le vote que de tels courants restent minoritaires. Tout ce qui contribue à figer pour longtemps l’offre politique dans un oligopole trop étroit court le risque de fragiliser les bases mêmes de la démocratie, comme le démontre l’importance de l’abstention. Ce n’est pas parce que la famille Le Pen a pris l’habitude de mettre en scène sa position de victime potentielle du système que celui-ci doit être conservé, bien au contraire ! D’autant qu’il donne lieu à toutes sortes de manœuvres préliminaires sans parvenir à limiter efficacement la dispersion des candidatures ; on se souvient qu’en 2002 il y en eut 16, et 12 en 2007.
Mais toute la difficulté est de savoir comment réformer ce dispositif sans prendre un marteau pilon pour écraser une mouche.
On ne peut évidemment pas se passer d’un filtre visant à éliminer des candidatures dont le seul véritable motif serait non pas de fournir une offre politique aux Français, mais de se frayer, par pur opportunisme, un accès aux facilités financières et surtout à l’extraordinaire plateau de publicité gratuite offert par la campagne radiotélévisée. Toutes les dérives seraient alors permises, et rien ne pourrait endiguer une prolifération à tous égards dangereuse pour l’exercice de la démocratie.
On ne peut pas davantage céder à la suggestion de Mme Le Pen de revenir à la non publication des noms des élus signataires. Ce serait encourager l’irresponsabilité des élus, alors qu’en démocratie ils doivent assumer les conséquences de leurs actes, et ce serait prêter le flanc aux manœuvres souterraines des formations dominantes cherchant à produire, en orientant habilement les présentations, la configuration la plus favorable pour leur candidat.
On ne peut enfin suivre les préconisations du comité Balladur qui, en 2007, avait proposé de remplacer le système actuel par la sélection des candidats au sein d’un collège de 100 000 élus environ, soumis à l’obligation de voter à bulletin secret, pour désigner les candidats autorisés à se présenter. Outre ses incertitudes (conditions de désignation des membres de ce collège et surtout seuil de suffrages à partir duquel un candidat serait ou non habilité), ce dispositif transformerait profondément l’économie de l’élection présidentielle, en instaurant une sorte d’élection à trois tours, le premier restaurant le mécanisme des grands électeurs peu compatible avec une élection au suffrage universel. Mais au surplus, ce « premier tour », inéluctablement voué à une forte politisation, se prêterait forcément aux manœuvres partisanes visant à éliminer d’emblée les outsiders les plus menaçants pour chaque camp, quitte à favoriser des candidatures de pure diversion.
Faut-il pour autant renoncer à changer ? Non, car une réforme assez simple pourrait produire de meilleurs résultats, à condition de concevoir le dispositif des signatures non comme un parrainage, mais comme un filtre garantissant le pluralisme de la démocratie. Il s’agirait, tout en gardant l’exigence des 500 signatures et de leur répartition, ainsi que leur publication par le Conseil constitutionnel, de substituer à la règle selon laquelle un élu ne peut faire de présentation que pour un seul candidat, une nouvelle disposition obligeant les élus souhaitant participer à la présentation à signer pour six candidats de leur choix. Leur signature ne serait alors plus perçue comme un soutien politique accordé à tel ou tel, mais comme la caution du pluralisme de l’élection et du sérieux des candidatures.
Cette modification simple aurait un double avantage. D’une part, elle lèverait les réticences de nombreux élus à signer pour les candidats incarnant des idées qu’ils ne partagent pas mais dont ils ne peuvent nier l’importance, ou pour des candidats marginalisés par l’originalité de leur programme ; elle contribuerait ainsi au renouvellement de la scène et du débat. D’autre part elle permettrait de déjouer efficacement manœuvres souterraines et stratégies machiavéliques. Car, à vouloir concentrer exclusivement ses choix sur la droite, sur la gauche ou sur le centre, un élu desservirait son camp en poussant à sa division. Et, à adopter, plus cyniquement, la stratégie inverse pour diviser le camp opposé, il prendrait le risque de se discréditer aux yeux de son propre électorat.
Voilà donc, sur un point bien particulier mais nullement négligeable, une réforme facile à réaliser, ne pénalisant personne, et d’une parfaite innocuité financière. On peut souhaiter un engagement ferme et clair des principaux candidats pour modifier, dès le lendemain de leur élection, les règles de présentation pour qu’à l’avenir cette question ne vienne plus perturber le débat et le détourner pour un temps des sujets essentiels.

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