En France, le Conseil d'État est une institution publique ancienne qui remonterait au Moyen Âge[Note 1].
Siégeant au Palais-Royal à Paris depuis 1875, elle est actuellement chargée de deux missions complémentaires.
Son premier rôle est celui de conseiller du gouvernement. À cette fin, le Conseil d'État doit être consulté par le Gouvernement pour un certain nombre d'actes, notamment les projets de lois.
Son second rôle est celui de plus haute des juridictions de l'ordre administratif (pour plus d'informations voir : Dualité des ordres de juridiction : ordre administratif, ordre judiciaire). Le Conseil d'État est néanmoins soumis aux décisions du Tribunal des conflits qui tranche les conflits de compétence.
Son vice-président (qui est le président de fait du Conseil) est le premier fonctionnaire de l'État : à ce titre, il présente au président de la République les vœux de l'ensemble des corps constitués, parlant au nom de la fonction publique, de la magistrature, des entreprises publiques, etc.
Le Conseil d'État est conseiller du gouvernement français (et, dans certains cas, depuis la révision constitutionnelle du mois d'août 2008, du Parlement). Il examine notamment les projets de lois et d'ordonnances, avant que ceux-ci ne soient soumis au conseil des ministres, ainsi que les projets de décret que la loi qualifie de « décret en Conseil d'État ». Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil d'État peut aussi examiner les propositions de loi.
Le Conseil d'État émet un avis sur la régularité juridique de ces textes, sur leur forme et sur leur opportunité administrative. Cet avis peut prendre la forme d'un texte modifié, ou d'une note de rejet. Les séances se tiennent à huis clos, et l'avis n'est transmis qu'au Gouvernement, qui est libre de le faire publier ou non.
Le gouvernement peut ne tenir aucun compte de l'avis, mais la Constitution rend néanmoins la consultation obligatoire pour les projets de lois. Le gouvernement ne peut présenter au parlement que le texte qu'il a soumis au Conseil d'État ou la version du texte modifiée par le Conseil d'État, et en aucun cas une version élaborée après l'avis du Conseil d'État, et non soumise à lui. En 2003, le Conseil constitutionnel a sanctionné le non-respect de cette règle en invalidant partiellement une loi (Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques - Décision no 2003-468 DC du 3 avril 2003).
Le Conseil d'État indique également au gouvernement quels sont, parmi les projets de textes communautaires, ceux qui touchent à des questions législatives et doivent en conséquence être transmis au Parlement.
Le Conseil peut par ailleurs être consulté librement par le gouvernement sur toute question ou difficulté d'ordre juridique ou administratif.
Le Conseil d'État peut ainsi rendre trois sortes d'avis :
- Avis simple. Le gouvernement n'est pas obligé de solliciter l’avis ni obligé de le suivre.
- Avis obligatoire. Le gouvernement est obligé de solliciter l’avis (projet de loi ou d’ordonnance, projet de décret en Conseil d'État), mais n'est pas obligé de le suivre.
- Avis conforme. Le gouvernement est obligé de solliciter l’avis et est obligé de le suivre (dans des cas rares prévus par la Loi).
Le Conseil d'État adresse chaque année au président de la République un rapport public, qui énonce notamment les réformes d'ordre législatif, réglementaire ou administratif, qu'il propose au gouvernement. En 1991, le rapport annuel du Conseil d'État, rédigé par Françoise Chandernagor, avait alerté sur l'insécurité juridique, due à la complexité des lois et à la prolifération législative.
Le Conseil d'État est l'échelon suprême de la juridiction administrative, qui juge les recours dirigés contre les autorités publiques.
- Il juge en premier et dernier ressort les recours pour excès de pouvoir dirigés notamment contre les décrets, les arrêtés à caractère réglementaire des ministres et les décisions de certaines autorités administratives indépendantes, le contentieux des élections régionales et de l'élection des représentants français au Parlement européen ainsi que les litiges relatifs à la nomination et à la discipline des fonctionnaires nommés par décret du président de la République (recteur, préfet, ambassadeur…) sur la base de l'article 13 de la constitution.
- Il est compétent en appel pour le contentieux des élections municipales et cantonales, dans le cadre de certaines procédures d'urgence telles certaines ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal administratif, ainsi que pour les questions préjudicielles d’appréciation de la légalité des actes administratifs.
- Saisi par un pourvoi, il est le juge de cassation[2] (juge du respect du droit par les juridictions inférieures) des décisions juridictionnelles rendues par les autres juridictions administratives statuant en dernier ressort, qu'il s'agisse des juridictions de droit commun (les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs) ou des juridictions spécialisées (telles que la Cour des comptes ou les sections disciplinaires des conseils nationaux des ordres professionnels). Il est juge du respect du droit (il vérifie que les juges intervenus précédemment ont correctement interprété le droit), mais dans les faits, Le Conseil d'État utilise cependant l’art L821-2 du code de justice administrative, qui permet au juge administratif d’évoquer l’affaire et de la régler au fond « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ».
Le Conseil d'État peut également être appelé à donner un avis sur « une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » soumise par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel[3]. L'avis ne lie pas la juridiction mais est généralement suivi, pour ne pas s'exposer, dans le cas contraire, à être contredit en cassation.
Le Conseil peut être amené à examiner, en tant qu'organe juridictionnel, la conformité à la loi d'un décret pris en Conseil d'État (ou plus généralement d'une décision prise après consultation de celui-ci).
Pour certains, ce cumul de fonctions pose problème quant à l'exigence d'impartialité du juge, posée notamment par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Du point de vue du Conseil d'État, la tradition d'indépendance et les règles internes assurent cependant l'impartialité de la formation du jugement. En particulier, la règle du déport fait qu'un membre du Conseil d'État ne peut participer à une formation de jugement examinant la légalité d'une décision s'il a contribué à un avis concernant cette décision.
Le corps des magistrats administratifs s'est progressivement développé : sa gestion, qui était dévolue au ministère de l'Intérieur jusqu'en 1990, a ensuite été transférée au Conseil d'État. Sous l'autorité du vice-président, le secrétaire général du Conseil d’État assure la gestion du corps de ces magistrats, et notamment de leur carrière[7],[8]. Il est assisté d'un Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, au rôle consultatif[9].
Le vice-président du Conseil d’État est également l'ordonnateur principal du budget des tribunaux administratifs (TA) et des cours administratives d'appel (CAA).
Le Conseil d'État publie une lettre trimestrielle pour faire connaître la juridiction administrative, en France et dans le monde : la Lettre de la justice administrative (LJA)[10].
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