Le
Conseil du roi désignait, sous l'Ancien Régime, un ensemble
d'organes collégiaux, institutionnalisés et permanents chargés de
préparer les décisions du roi et de le guider de leurs avis.
La
formule « Car tel est notre plaisir » (et non « notre
bon plaisir ») n'était pas appliquée au hasard, mais après
consultation. Charles V devait poser le principe, respecté par tous
ses successeurs, selon lequel le roi ne décide qu'après « bonne
et mûre délibération ».
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De
tous temps, avant de prendre des décisions importantes, les
souverains de France ont consulté leur entourage, ce qu'on appelait
la familia. Mais ce n'est que vers le XIIe siècle qu'apparaît
dans les actes royaux un organe consultatif institutionnalisé, le
Conseil.
Le
Conseil est la matérialisation organique et permanente de
l'institution du conseil, élément capital de la monarchie
capétienne. Le conseil est, pour le roi, le droit d'appeler auprès
de lui qui bon lui semble, pour le seconder et le guider de ses avis.
Symétriquement, le conseil est un devoir pour tous les sujets du roi
et, plus particulièrement, pour les premiers d'entre eux, et ce
qu'ils soient consultés individuellement ou collectivement (en
corps).
Le
gouvernement par conseil, principe essentiel du gouvernement
monarchique en France, s'appuie sur des institutions intermittentes,
comme les états généraux, et sur une institution permanente, le
Conseil.
La
composition du Conseil n'a cessé de varier au fil du temps, en
fonction de la volonté du roi :
- la reine, qu'il s'agisse de la reine régnante ou de la reine mère, perd en France dès le XIIIe siècle toute influence politique directe, sauf pendant les périodes de minorité royale ; elle ne siège donc pas au Conseil, sauf exceptions ;
- les rois tendent également à écarter du Conseil leurs proches parents que sont les fils et petit-fils de France (fils ou petit-fils d'un roi régnant) et les princes du sang (appartenant à des branches cadettes) car ces personnages ont souvent de l'ambition politique et tendent à intriguer ;
- en revanche, le roi associe aux travaux de son Conseil son héritier (le Dauphin), lorsqu'il est en âge d'y participer ;
- les grands, laïcs ou ecclésiastiques, sont de plus en plus fréquemment réunis et consultés ; l'élément féodal et aristocratique conserve une part importante au Conseil jusqu'aux XIVe et XVe siècles, certains rois – Louis X, Philippe VI, Jean le Bon, Charles VI – ne parvenant pas à le réduire, à la différence d'autres monarques – Charles V, Louis XI, François Ier. Au XVIe siècle, de grands personnages sont appelés au Conseil en raison de leur compétence par un brevet spécial (conseillers à brevet) : feudataires, dignitaires de l'Église, présidents de cours souveraines ;
- enfin, au sein du Conseil, on assiste à la montée irrépressible des juristes, appelés légistes (parce qu'ils ont étudié la lex, c'est-à-dire le droit romain), généralement formés par l'université de Paris. La technicité croissante des matières portées devant le Conseil y conduit naturellement. Issus de la petite noblesse ou de la bourgeoisie, les légistes aident à préparer et mettre en forme juridique les décisions du Roi. Ils forment autour de ce dernier une équipe compétente de techniciens qui formeront progressivement l'ossature d'une haute fonction publique. Par ailleurs, par leur stabilité, ils incarnent la continuité de l'institution royale et introduisent un élément de permanence dans un Conseil dont la composition est fréquemment remaniée. Ces conseillers, appelés conseillers d'État à partir du règne d'Henri III, sont assistés par des auxiliaires (les maîtres des requêtes).
Dans
les périodes troublées, l'effectif du Conseil tend à s'accroître
(une centaine de conseillers sous Charles IX, aux pires moments des
guerres de religion). Soucieux d'efficacité, les rois s'efforcent
ensuite de réduire l'effectif (12 membres sous Charles V) ou
convoquent des conseils restreints.
Le
Conseil n'a qu'un rôle consultatif, la décision finale revenant
toujours au roi. Si les légistes insistent, surtout au XVIe siècle,
sur les avantages du gouvernement en conseil – éclairé par ses
conseillers, le roi peut imposer des décisions plus sévères ;
il peut faire porter à ses conseillers la responsabilité des
décisions impopulaires – il ne fut jamais soutenu que le roi était
lié par la délibération du Conseil, sinon par les états généraux
de 1355-1358 ou par les huguenots ou les ligueurs dans la seconde
moitié du XVIe siècle
La
vocation du Conseil est générale et s'étend à toutes les
questions intéressant le gouvernement et l'administration du
royaume, en temps de paix comme en temps de guerre. Au Conseil, le
roi reçoit les ambassadeurs, signe les traités, nomme les
administrateurs et leur donne des instructions (appelées, à partir
du XIIe siècle, mandements), élabore les lois du royaume
(appelées ordonnances). Le Conseil agit également comme cour
suprême, où se rend la justice royale (dite « retenue »)
sur les affaires que le roi se réserve ou décide d'évoquer devant
lui.
Les
réunions du Conseil, d'abord irrégulières, prennent un rythme
régulier, qui devient quotidien au milieu du XVe siècle.
Progressivement,
le conseil se spécialise en formations différentes selon la nature
des affaires à traiter (sectionnement). Dès le XIIIe siècle,
on peut ainsi distinguer un Conseil étroit ou Conseil secret, très
restreint en nombre, et un Conseil plus vaste, qui prend de ce fait
le nom de Grand Conseil.
Sous
Charles VII, on voit apparaître une section spécialisée dans les
affaires contentieuses. Une ordonnance de Charles VIII de 1497,
confirmée par Louis XII en 1498, l'institutionnalise sous le nom de
Grand Conseil : celui-ci devient une véritable cour de justice
souveraine, où le roi ne vient d'ailleurs jamais, composée d'un
personnel propre et chargée de statuer sur toutes les affaires
contentieuses soumises directement au roi (justice retenue).
Cette
réforme permet au Conseil de se recentrer sur les affaires
politiques et administratives. Mais même avec des attributions ainsi
réduites, le besoin se fait sentir de créer des formations
spécialisées.
François
Ier crée un Conseil des Affaires, formation restreinte comprenant le
chancelier, un secrétaire des commandements et quelques proches.
C'est cette formation, assez informelle, qui se prononce sur la
politique générale, la diplomatie, la guerre. Le Conseil proprement
dit prend le nom de Conseil ordinaire ou Conseil d'État et perd une
partie de son prestige, d'autant que le roi n'y paraît plus
qu'irrégulièrement. En son absence, il est présidé par le
chancelier. Il comprend 50 à 60 membres.
À
partir de 1560, une nouvelle section est chargée des affaires
financières : le Conseil des finances, qui revient au sein du
Conseil vers 1600 avec le nom de Conseil d'État et des finances.
Au
XVIe siècle, le Grand Conseil s'étant complètement détaché
de la personne du roi pour devenir une cour autonome, les plaideurs
obtiennent que le monarque évoque certaines causes de justice
directement en son Conseil. Ces procès sont jugés lors de séances
spéciales qui donnent naissance à une nouvelle section du Conseil
d'État, chargée des affaires contentieuses, qui prend le nom de
Conseil privé ou Conseil des parties. En théorie, le roi y rend la
justice avec ses conseillers ordinaires ; en fait, ce conseil
est présidé par le chancelier et doté d'un personnel spécialisé
qui ne siège que là (les cinq présidents du Parlement de Paris,
les maîtres des requêtes qui rapportent les affaires, les avocats
et procureurs qui représentent les parties). Il statue en cassation
sur les jugements des cours souveraines, y compris le Grand Conseil,
les évocations, les règlements de juge, les différends relatifs
aux offices royaux et aux bénéfices ecclésiastiques, les rapports
entre catholiques et protestants, etc.
De
1661 à la Révolution française, le pouvoir se partageait entre le
conseil du roi, de 130 personnes environ, et un petit groupe de
ministres et secrétaires d'État.
Les
sections de gouvernement, les plus importantes, étaient présidés
par le roi en personne. Le monarque écoutait beaucoup, s'alignait
souvent sur l'avis de la majorité, contrairement aux opinions
répandues. Selon Saint-Simon, Louis XIV n'est allé que six fois
contre l'avis de son conseil (la méfiance que nourrissait
Saint-Simon envers la politique du Roi-Soleil accrédite ce propos).
Le
Conseil du roi s'était segmenté dès le XVIe siècle en de
nombreuses sections, que l'on peut rassembler en trois grandes
catégories : les conseils de gouvernement, les conseils de
finances et les conseils de justice et d'administration. Le conseil
du roi compte également des commissions ou bureaux.
Juridiquement,
ces différentes sections ne sont que des avatars d'un seul et même
Conseil. Même lorsque le roi n'y paraît pas, il est censé les
présider. Tous les arrêts du Conseil, de quelque section qu'ils
émanent, expriment sa volonté. Simplement, ils portent la formule
« Le Roi en son Conseil » lorsque le roi n'était pas
présent et « Le Roi étant en son Conseil » lorsqu'il
était physiquement présent.
Les
réunions du Conseil étaient préparées d'abord dans les services
ministériels, puis dans le travail du roi avec ses ministres. Mais
l'habitude se prit de préparer les délibérations du Conseil dans
des réunions où s'assemblaient en dehors de la présence du roi
tous les membres du Conseil d'en-haut ou du Conseil des Dépêches :
on appelait Comité des ministres cette réunion, qui avait eu des
antécédents sous Louis XIV et sous la Régence, mais qui se
régularisa au début de 1737, lorsque le cardinal de Fleury eut fait
disgracier le garde des sceaux Germain Louis Chauvelin, qu'il avait
notamment chargé d'harmoniser l'action des ministères. Plutôt que
de confier cette tâche à quelqu'un d'autre, il décida de l'exercer
lui-même en Comité des ministres. Ces comités eurent lieu tous les
lundis jusqu'à la mort de Fleury.
Louis
XV avait conscience du risque que présentaient ces réunions, qui
pouvaient devenir, à la longue, de véritables conseils de cabinet.
À partir de 1747, il décida que le Comité des ministres ne
pourrait s'assembler que sur son ordre exprès, le plus souvent pour
la mise en œuvre des décisions déjà prises par le Conseil. Ces
réunions devinrent, dès lors, beaucoup moins fréquentes.
Les
Conseils de gouvernement étaient toujours et exclusivement tenus par
le roi en personne. En émanaient des arrêts dits « en
commandement ».
Ces
conseils siégeaient dans l'appartement du roi, dans une pièce dite
« cabinet du Conseil » qui existait dans tous les
châteaux royaux. Les personnes appelées à siéger étaient
averties de l'heure fixée par le roi par les huissiers du cabinet.
Lorsque le Conseil était réuni, les portes du cabinet du Conseil
étaient fermées et gardées à l'extérieur afin que nul ne puisse
tenter de surprendre les délibérations, qui étaient secrètes.
Les
Conseils s'assemblaient autour d'une table oblongue dont le roi
occupait l'un des hauts bouts, seul assis sur un fauteuil tandis que
les autres membres s'asseyaient sur des tabourets en forme de
pliants. La forme de ces sièges était le symbole du caractère
itinérant du Conseil, qui suivait le roi en quelque lieu qu'il se
trouvât.
Le
roi ouvrait la séance en soulevant une question ou en donnant la
parole au rapporteur. Chacun intervenait dans la discussion dans
l'ordre ascendant des préséances. La discussion se concluait par le
recueil des avis, toujours dans le même ordre (ce qui s'appelait
« aller aux opinions »). En définitive, le roi tranchait
dans le sens qu'il lui plaisait. Louis XIV s'écartait très rarement
de l'opinion majoritaire du Conseil. Louis XV respectait la même
règle, préférant interrompre une discussion qui lui semblait
s'orienter vers un parti qu'il n'approuvait pas plutôt que d'aller
contre l'avis du Conseil.
La
durée des séances était rarement inférieure à deux heures. Mais
elles pouvaient durer beaucoup plus longtemps en fonction de l'ordre
du jour.
L'appellation
« Conseil d'en haut », en vigueur à partir de 1643,
vient simplement de ce que ce Conseil se réunissait à Versailles
dans le cabinet du Conseil, situé au premier étage du palais à
côté de la chambre du roi.
Succédant
au Conseil des Affaires du XVIe siècle, c'était aussi, sous
Louis XIV, le plus important de tous les conseils, regroupant autour
du souverain ses conseillers les plus proches, et examinant les
affaires les plus importantes. Il était l'ancêtre de l'actuel
Conseil des ministres.
Jusqu'au
règne de Louis XIV, il s'agissait d'une formation très réduite qui
rassemblait de droit autour du roi le principal ministre de l'État
(lorsqu'il en existait un), le chancelier, le surintendant des
finances, un secrétaire d'État et des conseillers nommés par le
roi, les ministres d'État. Sa compétence était très large, quasi
illimitée. Au début du règne de Louis XIV, le nombre de ses
membres connut une inflation considérable : outre les ministres
d'État on y trouvait des membres de la famille royale, les princes
du sang, les ducs et pairs.
Dès
1661, Louis XIV y mit bon ordre : il ne comptait plus de membres
de droit mais seulement un nombre très réduit de ministres d'État,
dont la participation au Conseil était sujette à réexamen à
chaque séance. Au départ, Louis XIV n'admit que trois personnes (Le
Tellier, Lionne, Colbert), puis il porta ce nombre jusqu'à 5. Louis
XV alla jusqu'à 7 et Louis XVI à 8.
Personne
n'entrait de droit au Conseil d'en-haut, pas même le Dauphin. En
pratique, le roi le recrutait pour l'essentiel parmi les secrétaires
d'État.
Sous
le règne de Louis XV, le conseil, communément dénommé Conseil
d'État, fut plus particulièrement chargé de la conduite de la
politique étrangère, des affaires navales et militaires et, en
temps de guerre, des opérations militaires. C'est alors le Conseil
des Dépêches qui prit le pas pour toutes les affaires intérieures.
Le
Conseil d'État se tenait le dimanche et le mercredi, mais des
séances extraordinaires étaient fréquentes, notamment en temps de
guerre. Au total, le nombre de séances avoisine 120 à 130 par an
voire davantage certaines années.
Le
Conseil des Dépêches réglait les questions d'administration
intérieure communes aux secrétaires d'État. On y examinait les
affaires rapportées dans des dépêches rédigées par des
gouverneurs et intendants des provinces.
Institué
vers 1650, il était d'abord présidé par le chancelier, mais le roi
se mit à le présider lui-même à partir de 1661. Il comprenait 10
à 12 membres : le principal ministre de l'État (lorsqu'il en
existait un), le Dauphin, le chancelier, les ministres d'État et les
secrétaires d'État et le contrôleur général des finances, qui en
étaient les rapporteurs ordinaires. Des conseillers d'État,
assistés de maîtres des requêtes, venaient fréquemment rapporter
sur des affaires judiciaires qui leur avaient été confiées.
Le
Conseil siégeait d'abord deux fois par semaine. Mais ce rythme
ralentit sous Louis XIV, le roi ayant pris l'habitude d'évoquer la
plupart des affaires en relevant lors de son travail en tête-à-tête
avec les ministres, les décisions prises étant présentées sous
forme d'arrêts en commandement alors même qu'elles n'avaient pas
été délibérées en Conseil.
Sous
Louis XV, le Conseil des Dépêches reprit son activité et finit par
devenir, pour les affaires intérieures, l'équivalent du Conseil
d'En-haut pour les affaires extérieures. tous les samedis –
exceptionnellement le vendredi – mais tenait aussi des sessions
extraordinaires, parfois plusieurs jours de suite, comme ce fut
notamment le cas sous Louis XV au moment de la fronde parlementaire.
Il tenait ainsi une cinquantaine de séances par an et jusqu'à 70
certaines années de crise.
Le
Conseil royal des finances était un conseil de gouvernement créé
par Louis XIV en septembre 1661 pour l'assister dans les fonctions de
surintendant des finances, qu'il avait décidé d'exercer lui-même
après le renvoi de Nicolas Fouquet.
Sa
compétence était vaste, et concernait le budget, la fiscalité,
l'industrie, le commerce, la monnaie, les baux de la ferme générale,
etc. Y étaient délibérés le brevet de la taille (qui en fixait le
montant global), l'état prévisionnel (le budget), signés les
ordres de paiement, jugé de nombreux contentieux financiers (en
matière fiscale notamment).
Il
réunissait le roi, le chef du conseil des finances (personnage
décoratif mais largement rémunéré), le dauphin, parfois le
chancelier de France, le contrôleur général des finances, quelques
conseillers d'État (en général deux), puis les intendants des
finances.
Jusqu'en
1715, le Conseil royal des finances se réunissait deux fois par
semaine. Mais assez rapidement, les décisions importantes furent
prises par le roi en tête-à-tête avec le contrôleur général, le
Conseil se bornant à les endosser sans véritable débat.
Sous
la Régence, puis sous Louis XV, le Conseil royal des finances se
réunissait tous les mardis. Mais à partir des années 1728-1730, il
ne parvint plus à tenir le rythme hebdomadaire. Dans la décennie
1730-1740, il ne siégait plus qu'une fois tous les quinze jours en
moyenne, puis une fois par mois à partir des années 1755-1760. « Ce
dépérissement apparemment inéluctable eut une cause majeure dans
le fait que le contrôleur général était l'unique rapporteur dans
ce Conseil : il y donnait aux affaires la tournure qu'il avait
forgée dans son cabinet. Comme ces affaires résultaient d'une
multitude de détails que les autres membres du Conseil ne
possédaient pas comme lui, la décision était comme inévitablement
conforme à son avis. Puisque le rapporteur décidait tout, à quoi
bon réunir le Conseil ? Le travail du roi et la besogne des
bureaux suffisaient. » (Michel Antoine)
Il
fut créé en 1664 pour dédoubler le Conseil royal des finances,
mais disparut en 1676, réapparut en 1730. Il n'arriva jamais à
s'imposer au rang des autres sections du Conseil et n'eut une
existence réelle qu'éphémère. En 1787, il fut réuni au Conseil
royal des finances.
Le
Conseil de Conscience avait été institué en 1720 par le Régent
pour veiller à l'application des mesures concernant la Bulle
Unigenitus. Il avait été conservé après 1723 et se réunissait le
jeudi. Très actif jusqu'en 1730, il vit ensuite son influence
rapidement diminué par l'ascendant prit par le cardinal de Fleury
avant de disparaître définitivement en 1733.
Présidé
par le roi, il rassemblait le principal ministre de l'État
(lorsqu'il en existait un) et quelques cardinaux et évêques, mais
aucun autre ministre.
Les
formations du Conseil plus particulièrement chargées des affaires
contentieuses étaient généralement présidées par le chancelier
de France. Le roi n'y venait jamais, mais tous les arrêts qui en
émanaient étaient réputés provenir de lui. On disait d'ailleurs
du chancelier qu'il était « la bouche du roi ».
En
1661, ces Conseils de justice et d'administration comprenaient quatre
formations :
- le Conseil d'État privé ou Conseil des Parties ;
- le Conseil d'État et des Finances ou Conseil ordinaire des Finances ;
- la Grande Direction des Finances ;
- la Petite Direction des Finances.
Cette
section du conseil, née au tout début du XVIIe siècle avait
des attributions générales de gouvernement, mais s'attribuait aussi
la direction des finances.
Le
conseil perdit en importance sous le règne de Louis XIII et ne
s'occupa plus que des contentieux dans lesquels l'administration
royale était partie, agissant en tant que cour suprême pour le
contentieux administratif. Il statuait aussi en cassation des arrêts
des cours souveraines dans le domaine financier.
Il
était composé comme le Conseil d'État privé (V. infra), mais le
contrôleur général y jouait un rôle prépondérant.
Il
amorça son déclin en 1665 et disparut entre 1680 et 1690. En effet,
le chancelier s'étant vu retirer sa participation à la gestion des
finances, Colbert put aisément déposséder les maîtres des
requêtes de leur prérogative de rapporter devant le Conseil d'État
et des finances pour en charger les intendants des finances. Mais les
gens des finances délibéraient collégialement entre eux, ils en
vinrent à se considérer eux-mêmes comme une sorte de section du
Conseil, permettant de faire l'économie de la délibération du
Conseil d'État et des finances.
Cette
section du conseil, née en 1615, devint sous Louis XIII la
responsable de toute l'administration et la direction financière.
Elle disparut avec le règne personnel de Louis XIV en 1661.
Avant
le règne personnel de Louis XIV, le Conseil privé était le seul
conseil de justice, mais il reprit à la fin du XVIIe siècle
les attributions en matière de contentieux administratif du Conseil
d'État et des finances, qui avait disparu en tant que tel. Ce
nouveau conseil, le Conseil d'État privé, finances et direction,
siégeait en trois sections : le Conseil des parties, la grande
direction des finances et la petite direction des finances.
Ce
Conseil ne s'occupait que de contentieux judiciaire : il rendait
au niveau suprême la justice entre particuliers en matière civile
ou criminelle. Il réglait de juge en cas de conflit entre cours
souveraines ou entre tribunaux d'ordres différents. Il statuait par
voie d'évocation à la place des juges normalement compétent et
statuait en cassation des arrêts des cours souveraines. Il
connaissait également des recours en révision des arrêts rendus au
criminel.
La
présence du roi au Conseil privé était tout à fait exceptionnelle
(Louis XIV y vint quelquefois au début de son règne et Louis XV n'y
parut que deux fois, en 1762 et 1766). Son fauteuil vide symbolisait
toutefois sa présence juridique et le conseil était présidé de
fait par le chancelier, qui s'asseyait à la droite du fauteuil
royal. Il réunissait théoriquement les princes du sang, les ducs et
pairs, les ministres d'État, les secrétaires d'État, le contrôleur
général des finances, les 30 conseillers d'État, les intendants
des finances, les maîtres des requêtes. En fait seuls les
conseillers d'État et les maîtres des requêtes y siégeaient
régulièrement ainsi que, de temps à autre, les intendants des
finances. L'effectif des séances tournait autour d'une quarantaine
de membres, rarement plus de soixante.
Le
Conseil privé siégeait le lundi, dans une salle qui lui était
réservée, la « salle du Conseil », qui existait dans
les principales résidences royales et se trouvait en dehors de
l'appartement du roi. À Versailles, elle se trouvait au
rez-de-chaussée de la « vieille aile » et donnait d'un
côté sur la cour de marbre et de l'autre sur la cour des princes.
Les conseillers d'État s'asseyaient sur des fauteuils garnis de
maroquin noir, tandis que les maîtres des requêtes restaient
debout. Après la séance, le chancelier retenait à dîner les
conseillers (appelés « Messieurs du Conseil »).
Le
Conseil privé était en vacances d'octobre jusqu'à la Saint-Martin.
Il tenait en moyenne 40 à 45 séances par an et rendait 350 à 400
arrêts.
Avant
de venir en séance de jugement, les affaires étaient étudiées au
préalable par un groupe de conseillers d'État, sur le rapport d'un
maître des requêtes. Des bureaux spécialisés étaient constitués
en fonction de la nature des affaires (il y avait ainsi un bureau des
affaires ecclésiastiques) ou des recours (il y avait un bureau des
cassations). Les arrêts des cours supérieures n'étant pas motivés,
le Conseil privé commençait par demander au procureur général de
la cour qui avait rendu l'arrêt attaqué de lui envoyer les raisons
de la décision.
Ces
deux commissions ordinaires du conseil succédèrent aux fonctions du
conseil d'État et des finances en matière d'appel de contentieux
fiscaux.
La
grande Direction était la continuation directe du Conseil de
direction des finances (V. supra). Mais elle n'eut qu'un rôle
effacé, ne se réunissant que 6 à 12 fois par an.
La
petite Direction, comprenant une dizaine de personnes, était chargée
de préparer le travail de la Grande direction et de la soulager en
jugeant les affaires les plus simples. Elle n'eut qu'une activité
intermittente et finit par disparaître vers 1767.
Elles
sont composées de conseillers d'État et de maîtres des requêtes.
La grande Direction est dirigée par le chancelier de France et la
petite par le chef du conseil royal des finances.